Fatou Diome, (2003). Le ventre de l’Atlantique, Editions Anne Carrière, Coll. Le Livre de Poche, Paris.
galerie photo
Il s’agit d’un premier roman qui témoigne avec force et non sans humour de « l’inconfortable situation des venus de France écrasés par les attentes démesurées de ceux qui sont restés au pays ».
Salie vit en France, son frère Madické, un passionné de football rêve de l’y rejoindre. A travers leurs propos, nous partageons leurs histoires de vie et leurs représentations du monde mais aussi au-delà de leurs personnes, les cultures, les idéologies contrastées qui traversent et séparent parfois la culture française de la culture sénégalaise.
« En Afrique, je suivais le sillage du destin, fait de hasard et d’un espoir infini. En Europe, je marche dans le long tunnel de la performance qui conduit à des objectifs bien définis. Ici, point de hasard, chaque pas mène vers un résultat escompté ; l’espoir se mesure au degré de combativité. » (p 14)
Parfois le propos des personnages est digne d’une réflexion philosophique ou morale sur l’existence. « Chaque miette de vie doit servir la dignité ». (p17)
Fatou Diomé montre bien comment le processus d’adaptation dans une société différente conduit un individu à exercer sur lui-même un autocontrôle rigoureux et à ne pas se laisser emporter par ses désirs ou la détresse de ses renoncements.
Elle devient mélancolique en pensant à la culture de départ et elle veut la juguler. « La nostalgie est mon lot, je dois l’apprivoiser, garder dans mes tiroirs à reliques la musique de mes racines (…) Rendez-moi Piaf, Brel, Brassens, Barbara et Gainsbourg, qui savaient faire couler leurs chansons comme autant de sources limpides, jusqu’à la plus reculée des pistes du Sahel. Là, une douce goutte de français vous tombait dans l’oreille puis sur le bout de la langue pour ne plus jamais vous quitter. Miam, ça se mange une bonne langue ».
L’auteur nous amène d’une manière compréhensive à partager au mieux le malaise les stigmates et au pire la cruauté de l’existence d’une enfant dont la naissance n’est pas légitime et dont la communauté veut se débarrasser. A l’école, la cour de récréation ressemble souvent à un champ de bataille où elle se bat pour le respect de son nom. « Ma grand-mère m’avait appris que si les mots sont capables de déclarer une guerre, ils sont aussi assez puissants pour la gagner ».
Elle préfère prendre le risque de l’exil d’une personne immigrée :
« Il y a des musiques, des chants, des plats qui vous rappellent soudain votre condition d’exilé, soit parce qu’ils sont trop proches de vos origines, soit parce qu’ils en sont trop éloignés. Dans ces moments-là, désireuse de rester zen, je deviens favorable à la mondialisation, parce qu’elle distille des choses sans identité, sans âme, des choses trop édulcorées pour susciter une quelconque émotion en nous ».
Avec le personnage de Madické, l’auteur montre que tout individu quel qu’il soit a besoin de se créer un monde où il peut se réfugier de temps en temps.
Avec le football retransmis à la télévision au Sénégal, Madické a un échappatoire pour donner libre cours à ses émotions, à ses désirs trop refoulés dans un quotidien tristement banal et sans avenir.
Le spectacle du football en particulier permet à cet adolescent, à ses besoins affectifs et émotionnels d’exulter. Il s’imagine dans un stade comme à l’intérieur d’une pièce de théâtre et peut enfin transcender les contraintes de sa vie sans projet.
L’arrière plan politique et le message moral sont toujours en arrière-plan quand par exemple survient dans l’émission sportive l’interruption de la publicité :
« Coca-Cola, sans gêne, vient gonfler son chiffre d’affaires jusque dans ces contrées… où l’eau potable reste un luxe » et l’auteur, non sans ironie fait dire à un de ses personnages : « Surtout, n’ayez aucune crainte, le Coca-Cola fera pousser le blé dans le Sahel ».
C’est bien là, la force morale et politique de ce roman sans concession :
Utiliser l’humour, le ton ironique ou faussement naïf pour traduire le destin plus ou moins tragique d’une personne exilée, qu’elle soit dans son pays d’origine ou qu’elle soit dans un pays d’accueil.
galerie photo
Il s’agit d’un premier roman qui témoigne avec force et non sans humour de « l’inconfortable situation des venus de France écrasés par les attentes démesurées de ceux qui sont restés au pays ».
Salie vit en France, son frère Madické, un passionné de football rêve de l’y rejoindre. A travers leurs propos, nous partageons leurs histoires de vie et leurs représentations du monde mais aussi au-delà de leurs personnes, les cultures, les idéologies contrastées qui traversent et séparent parfois la culture française de la culture sénégalaise.
« En Afrique, je suivais le sillage du destin, fait de hasard et d’un espoir infini. En Europe, je marche dans le long tunnel de la performance qui conduit à des objectifs bien définis. Ici, point de hasard, chaque pas mène vers un résultat escompté ; l’espoir se mesure au degré de combativité. » (p 14)
Parfois le propos des personnages est digne d’une réflexion philosophique ou morale sur l’existence. « Chaque miette de vie doit servir la dignité ». (p17)
Fatou Diomé montre bien comment le processus d’adaptation dans une société différente conduit un individu à exercer sur lui-même un autocontrôle rigoureux et à ne pas se laisser emporter par ses désirs ou la détresse de ses renoncements.
Elle devient mélancolique en pensant à la culture de départ et elle veut la juguler. « La nostalgie est mon lot, je dois l’apprivoiser, garder dans mes tiroirs à reliques la musique de mes racines (…) Rendez-moi Piaf, Brel, Brassens, Barbara et Gainsbourg, qui savaient faire couler leurs chansons comme autant de sources limpides, jusqu’à la plus reculée des pistes du Sahel. Là, une douce goutte de français vous tombait dans l’oreille puis sur le bout de la langue pour ne plus jamais vous quitter. Miam, ça se mange une bonne langue ».
L’auteur nous amène d’une manière compréhensive à partager au mieux le malaise les stigmates et au pire la cruauté de l’existence d’une enfant dont la naissance n’est pas légitime et dont la communauté veut se débarrasser. A l’école, la cour de récréation ressemble souvent à un champ de bataille où elle se bat pour le respect de son nom. « Ma grand-mère m’avait appris que si les mots sont capables de déclarer une guerre, ils sont aussi assez puissants pour la gagner ».
Elle préfère prendre le risque de l’exil d’une personne immigrée :
« Il y a des musiques, des chants, des plats qui vous rappellent soudain votre condition d’exilé, soit parce qu’ils sont trop proches de vos origines, soit parce qu’ils en sont trop éloignés. Dans ces moments-là, désireuse de rester zen, je deviens favorable à la mondialisation, parce qu’elle distille des choses sans identité, sans âme, des choses trop édulcorées pour susciter une quelconque émotion en nous ».
Avec le personnage de Madické, l’auteur montre que tout individu quel qu’il soit a besoin de se créer un monde où il peut se réfugier de temps en temps.
Avec le football retransmis à la télévision au Sénégal, Madické a un échappatoire pour donner libre cours à ses émotions, à ses désirs trop refoulés dans un quotidien tristement banal et sans avenir.
Le spectacle du football en particulier permet à cet adolescent, à ses besoins affectifs et émotionnels d’exulter. Il s’imagine dans un stade comme à l’intérieur d’une pièce de théâtre et peut enfin transcender les contraintes de sa vie sans projet.
L’arrière plan politique et le message moral sont toujours en arrière-plan quand par exemple survient dans l’émission sportive l’interruption de la publicité :
« Coca-Cola, sans gêne, vient gonfler son chiffre d’affaires jusque dans ces contrées… où l’eau potable reste un luxe » et l’auteur, non sans ironie fait dire à un de ses personnages : « Surtout, n’ayez aucune crainte, le Coca-Cola fera pousser le blé dans le Sahel ».
C’est bien là, la force morale et politique de ce roman sans concession :
Utiliser l’humour, le ton ironique ou faussement naïf pour traduire le destin plus ou moins tragique d’une personne exilée, qu’elle soit dans son pays d’origine ou qu’elle soit dans un pays d’accueil.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire